23 Jul 2018

Drug trafficking / La drogue, l’ennemi silencieux du Mali

Dans une région connue pour être un point névralgique pour la production, le trafic et la consommation de drogues, la lutte du Mali contre la drogue semble se renforcer.

Alors que les attaques répétées de groupes extrémistes et la violence intercommunautaire continuent d'alimenter l'insécurité au Mali, le pays est confronté à un autre ennemi : la drogue.

L'Office central des stupéfiants (OCS) a saisi, en début d’année, près de trois tonnes de cannabis dissimulées dans un camion de marchandises en provenance du Ghana via la Côte d'Ivoire.

En octobre 2017, une personne qui tentait d'introduire près de 1,4 kg de cocaïne dans le pays (d’une valeur estimée à 42 millions de francs CFA) a été interceptée à l'aéroport international de Bamako suite à une série d’arrestations similaires effectuées dans le même aéroport en 2016 et 2017. Toujours en octobre 2017, des champs de cannabis ont été découverts dans la région sud de Sikasso.

Ce ne sont là que quelques exemples du problème multidimensionnel de la drogue au Mali : un pays de transit, de destination, de production et de consommation de drogues. Cependant, le problème n'est pas spécifique au Mali, pas plus qu’il n’y est nouveau.

Le Mali a un ennemi silencieux et insidieux : la drogue

Au cours de la dernière décennie, l'Afrique de l'Ouest est devenue un centre névralgique du trafic de drogue, à la fois au niveau mondial et continental. La région est réputée pour la production et la consommation de certains de ces produits illicites et pour l'utilisation accrue de psychotropes tels que le Tramadol et les sirops contre la toux à base de codéïne. La plupart des pays d'Afrique de l'Ouest sont, dans des proportions variables, touchés par ce phénomène.

Le Mali est devenu, dans la région, l'un des principaux points de transit de la cocaïne en provenance principalement d'Amérique du Sud. Cependant, un responsable de l’OCS a déclaré dans une interview que le nombre de saisies et d'interceptions de cocaïne à l'aéroport avait chuté, comparé particulièrement aux niveaux de 2007 et 2008. Cette baisse pourrait résulter de l’augmentation de l’assistance internationale dont ont bénéficié les autorités maliennes, et qui a permis d'améliorer le dispositif de surveillance à l’aéroport de Bamako. Il est tout aussi plausible que, face au renforcement des contrôles sur le principal aéroport du pays, les trafiquants se soient adaptés et introduisent de plus en plus la cocaïne au Mali par la route.

Au moins deux saisies de cocaïne ont été effectuées ces derniers mois sur des routes reliant Conakry, la capitale guinéenne, à Bamako. Mais les services de sécurité manquent de ressources et les frontières sont poreuses. Le Mali restera donc probablement un point de passage important et une plaque tournante pour le trafic de cocaïne en Afrique de l'Ouest.

Le trafic de drogue n’est pas nouveau au Mali et n’est pas spécifique à ce pays

Ce trafic est géré par des réseaux bien établis à Bamako. Ils opèrent en tant que grossistes, recevant la cocaïne, la reconditionnant et l'expédiant en Europe ou dans les pays voisins. Ces réseaux sont principalement dirigés par des ressortissants nigérians et impliquent également des guinéens, selon le responsable de l'OCS. Toutefois, les ressortissants maliens jouent un rôle clé dans ces réseaux.

Dans le Nord du Mali, la production et le trafic de drogues se poursuivent malgré et, dans une certaine mesure, à cause de l'instabilité qui y prévaut. Cette zone abrite divers groupes armés − qu'ils soient « politiques », « djihadistes » ou « criminels » − et est connue pour ses trafics illicites. Le haschich (un produit dérivé du cannabis) fait l’objet d’un trafic particulier dans les régions de Taoudéni et de Kidal, et est introduit clandestinement en Algérie et au Niger. Une augmentation du trafic et de la consommation d'opioïdes synthétiques tels que le Tramadol a également été signalée dans le Nord du Mali.

La production de cannabis dans le Sud du Mali est considérée comme un fait nouveau, quoique ce ne soit pas nécessairement le cas. Des champs de cannabis y sont découverts  suite aux actions renforcées des services de renseignement, mettant à jour la pratique de cette activité illicite.

Le cannabis est produit dans certaines parties des cercles de Kadiolo, Yanfolila, Kolondiéba et Bougouni dans la région de Sikasso. Avec le cannabis en provenance du Ghana voisin (transitant par la Côte d'Ivoire ou le Burkina Faso), ces sources de production approvisionnent le marché intérieur. Du cannabis produit localement est également exporté et consommé dans la Côte d'Ivoire voisine.

Bien que les données précises sur la consommation nationale de drogues soient rares, divers observateurs ont exprimé des inquiétudes au sujet de ce qui est perçu comme une forte augmentation de la consommation de drogues, notamment à Bamako.

Une étude menée en 2017 dans la ville de Sikasso − la deuxième ville la plus peuplée du pays − a conclu que la consommation de drogues y augmentait effectivement. De nouveaux consommateurs ont rejoint ceux, plus anciens, qui, au fil du temps, ont développé une dépendance. Le cannabis, la cocaïne, l'héroïne et les psychotropes sont parmi les substances illicites les plus consommées à l'échelle nationale.

Comme dans la plupart des pays de la région, le Mali a adopté une approche répressive face au problème de la drogue. Malgré les efforts déployés pour en prévenir la consommation, beaucoup reste à faire dans ce domaine. Le même constat vaut pour la prise en charge des toxicomanes et des consommateurs, limitée par le manque de structures  et de ressources appropriées.

Les services de sécurité manquent de ressources et les frontières sont poreuses

Le rôle du Mali dans le trafic de drogue en Afrique de l'Ouest met en évidence l'importance de la collaboration avec ses voisins et d'autres pays afin de réduire les facteurs nationaux, continentaux et internationaux qui l’alimentent. Cependant, la coopération régionale demeure faible. Un certain degré de coopération a été initié avec le Ghana, par exemple, mais reste limitée. En revanche, la coopération avec des pays tels que la Guinée et le Sénégal est quasi inexistante.

La coopération régionale doit être renforcée. La surveillance et les contrôles aux postes frontaliers (terrestres et aériens) doivent être intensifiés, y compris grâce à un meilleur renseignement, pour identifier et démanteler les réseaux de trafic ainsi que les zones de production.

Ces efforts sont nécessaires afin de minimiser les conséquences néfastes des drogues au Mali − pays déjà confronté à de nombreux défis politiques, socio-économiques et bien entendu sécuritaires.

William Assanvo, Coordonnateur de l’Observatoire régional du crime organisé – Afrique de l’Ouest, ISS/ENACT

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